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Looping Algérie      

Mamita est née en Algérie en 1924,  

Papa est né en Algérie en 1954. 

l’Algérie déclare son indépendance en 1962. 

1 million de français d’Algérie quitte alors le pays. 

Mamita et Papi vont vivre en France, territoire qu'ils n'ont jamais connu auparavant. 

un jour Mamita à 95 ans,  

alors je demande tout, 

et 300 heures d'enregistrements répondent.

Mais à la porte des histoires qu'on me raconte, il y a toujours l'Histoire, la grande, la colossale, la grave. Je doute d'avoir les épaules pour, mais on finit par la prendre sous le bras avec le reste. Finalement elle était là depuis toujours, je n’avais juste jamais voulu l’approcher de trop près.

 

EXTRAIT

Tout va s’arrêter. Ils pourront se sentir désarmés. Pris au dépourvu. Ils diront sûrement que ce n’était pas prévu. Que c’était brutal. Mais c’est prévu. C’est prévu depuis toujours, et pour toujours. Tout va s’arrêter. Tu seras poussière. Tu seras sous terre. Bien sûr que c’est prévu. Depuis le début, on avance vers la sortie, vers la fin. On ne sera plus rien. Pourquoi tu ne me réponds pas ? Ça arrive à grands pas. Tout s’arrêtera. Et tu emmèneras avec toi tes pensées, ta voix, tes ongles violets.

Tu ne feras croire à personne que tu dormiras. Car plus jamais tu ne reviendras de dessous la terre. Tu ne feras plus parti du monde. Le monde, lui, vivra de pleins fouets et de plein sang. Tu ne le connaîtras pas. Tu auras déjà eu(u) ton tour. Tu ne seras plus. Tout peut s’arrêter toute suite. Demain. Et hop : bye bye. Tu seras à 6 pieds sous terre.

Le vide. Le vide qui nous attend. Sans mot dessus. Le noir. Le noir final. Le noir infini. On ne revient pas de là.

INTENTIONS  

Ce travail de recherches intimes au sein de l’histoire de ma famille se veut avant tout un objet sensible. Les origines de ce projet aux multiples écritures (textes, montages sonores, images, chorégraphie) sont d’abord de garder la trace de tout ce qui me semble proche de s’évaporer pour toujours. La volonté d’archiver avec urgence ce qui va partir m’a mené à écouter différemment les histoires de ma grand-mère. L’Algérie.
Mais avec cette idée vient la confrontation violente de ses souvenirs à mon regard, à notre présent. Tout se décale et pose questions. Le poids politique de ces histoires donne des ondes de choc au projet. Comment continuer d’en écrire le revers sensible ; est-ce possible ? Sans écarter les questions toujours plus graves et dérangeantes de l’Histoire, je me suis réfugiée dans un retour au corps, au corps qui danse. En parallèle de la bande son, il y a le corps qui raconte l’étendue d’une telle immersion. L’histoire est dans
l’Histoire, c’est finalement indissociable. A côté des faits documentaires il y aussi tous les souvenirs qui rassemblés donnent des couleurs et des odeurs aux mots, documentant à leurs manières. Ce projet se regarde des grandes Unes jusqu’aux petits ricochets perdus de nos histoires de famille. Mais alors que le vide nous attend, et qu’on retourne le passé avec l’ambition de comprendre, il persiste des questions plus grandes : comment faire famille dans les désaccords, comment accepter que les histoires subiront toujours l’Histoire ? Entre autres. J’ai décidé de mettre en abyme toutes ces questions qui m’ont perdues durant le processus de création. Habiter le projet pendant un an était une traversée tourmentée, et donne à voir tous les aspects de ce temps de création où il n’y avait plus d’intérieur et d’extérieur. Retracer son environnement familial, c’est aussi dessiner en contours et en contrastes une partie de son histoire 
individuelle.

Texte, création sonore, scénographie et chorégraphie : Louise Doumeng 

Dates : 19 juin 2019, Tour à plomb (festival ISAC), Bruxelles

             6 décembre 2019, Honolulu (festival grand huit), Nantes 

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